Kinshasa, 25 septembre 2025 – La controverse actuelle entourant l’ancien périmètre PE 76 de Rubaya, l’un des gisements de coltan les plus stratégiques de la planète, exige une prise de conscience nationale et une vigilance accrue. Loin de se réduire à un simple différend entre titres miniers, cette affaire soulève des questions fondamentales de souveraineté nationale sur une ressource critique, dont dépendent en partie l’économie et la position géopolitique de la République Démocratique du Congo (RDC).
Un historique tumultueux
Le parcours de ce périmètre minier est marqué par une série de revirements. Initialement concédé à la Société Minière et Industrielle du Kivu (SOMINKI), il fut par la suite repris par la SAKIMA. Dans le contexte des troubles politico-militaires des années 2000, une attribution irrégulière fut octroyée à M. MWANGACHUCHU IZI par l’administration rebelle du RCD – une décision ultérieurement entérinée par les arrangements des Accords de Sun City. Dans un souci de régularisation, ce dernier le transféra à la Société Minière de Bisunzu (SMB).
Sous l’impulsion du Président Félix-Antoine TSHISEKEDI et grâce à l’action de la Ministre des Mines Antoinette N’SAMBA, le secteur minier a entamé un processus d’assainissement. C’est dans ce cadre que le PE 4731 (ex-PE 76) a été retiré à la SMB pour manquement à ses obligations sociétales, via l’Arrêté ministériel n°00222/CAB.MIN/MINES/01/2023 du 14 juillet 2023, en application des articles 286, 289 et 290 du Code Minier de 2018. Le périmètre fut ainsi réintégré au domaine public de l’État.
Une réattribution contestée et illégale
Le 12 mars 2025, le Ministre sortant des Mines a octroyé ce périmètre, rebaptisé PE 16159, à la société SAKIMA SA par l’Arrêté n°00071. Cette décision est contraire à la loi, spécifiquement à l’article 33 du Code Minier, qui stipule qu’un permis d’exploitation reversé dans le domaine public ne peut être réattribué par simple arrêté ministériel, mais doit impérativement faire l’objet d’un appel d’offres public. Le Conseil d’État a d’ailleurs suspendu cet arrêté le 4 septembre 2025 (ROR 1365).
Les allégations de Congo Fair Mining : une position juridiquement fragile
Dans un récent communiqué, l’organisation Congo Fair Mining (CFM) laisse entendre que la suspension de l’arrêté ministériel par le Conseil d’État validerait ses prétentions sur le périmètre. Cette interprétation est juridiquement discutable, CFM ne fournissant aucun élément probant permettant d’établir comment elle serait devenue propriétaire d’un bien appartenant au domaine public.
Plus grave encore, CFM affirme avoir saisi, le 19 août 2025 via l’Ambassade des États-Unis à Kinshasa, les autorités congolaises et américaines pour se présenter comme le seul concessionnaire légal de la mine de Rubaya. Cette démarche, contournant les institutions congolaises, représente un risque majeur de dépossession de ce gisement stratégique au détriment de l’État congolais.
L’implication troublante de CDM
CFM revendique CDM (Congolese Development Mining) comme son actionnaire majoritaire. Il est essentiel de rappeler le rôle de CDM dans ce dossier. Après le retrait du permis en 2023, le site a continué à être exploité illicitement par des populations locales. Les minerais extraits, non tracés, ne pouvaient être vendus légalement à Goma, mais une fois acheminés au Rwanda, ils étaient intégrés au système international de traçabilité, opérant comme une véritable « blanchisserie » pour les minerais du sang.
Face à cette situation, le Ministre des Mines avait autorisé provisoirement la CDMC (Coopérative des Artisanaux Miniers du Congo) à encadrer la production, avec l’assistance du SAEMAPE. Cette solution temporaire a été anéantie par l’offensive du M23, soutenu par le Rwanda, qui s’est emparé du site et a encouragé une exploitation anarchique.
Dans ce contexte, il est pour le moins étonnant que Congo Fair Mining, détenue majoritairement par CDM, prétende aujourd’hui détenir des droits sur ce périmètre. Une telle revendication soulève de sérieuses questions de droit et ressemble à une tentative manifeste de s’approprier un site stratégique relevant de la souveraineté nationale.
Un enjeu géopolitique et économique majeur
Le coltan de Rubaya est une ressource hautement stratégique. Selon l’US Geological Survey (2024-2025), la RDC reste le premier producteur mondial de tantale, assurant plus de 40 % de l’approvisionnement global. Perdre le contrôle de ce site équivaudrait à affaiblir la position de la RDC dans les négociations stratégiques en cours avec les États-Unis sur les minerais critiques et à livrer cette richesse nationale à des réseaux opaques.
Un impératif de transparence et de souveraineté
Face à cette situation, trois impératifs s’imposent :
- Transparence : Publication intégrale de tous les titres miniers, décisions de justice et actes d’attribution.
- Souveraineté : Protection absolue du patrimoine minier stratégique contre toute tentative de captation illégale.
- Responsabilité intergénérationnelle : Garantir que les richesses minières profitent en premier lieu au peuple congolais, présent et futur.
Le retrait du PE 4731 avait légalement restitué ce gisement au domaine public. Toute réattribution qui contournerait la procédure d’appel d’offres est donc nulle. Compte tenu de son importance stratégique, l’État se doit d’exercer une vigilance extrême. Nous appelons à l’ouverture d’une enquête institutionnelle impartiale et à l’implication directe de la plus haute autorité de l’État pour garantir que cette ressource nationale soit préservée et serve l’intérêt supérieur de la Nation et des générations futures.
Par Horus-Gabriel Buzitu