« Votre communication qui met sous le boisseau le principal acteur de la dévastation de notre pays depuis 1996 m’a plongé dans une sorte de nausée métaphysique. J’ai la pénible impression d’avoir été littéralement « entubé » pendant des années »
La désespérance dans laquelle se morfondent les Congolais me pousse à vous adresser ces quelques mots subsidiairement à votre message du 23 mai 2025, suivi de votre retour au pays par Goma au Nord-Kivu.
C’est avec des sentiments mitigés que j’ai suivi votre message ainsi que votre retour au pays par une ville sous occupation militaire étrangère.
Certes la nécessité – mise en exergue dans votre communication et rappelée avec insistance par des cadres de votre formation politique le PPRD – de reconstruire l’unité nationale fragilisée par la guerre et la mauvaise gouvernance est légitime et louable. Mais beaucoup de vos compatriotes se perdent en conjectures au sujet de l’itinéraire pour le moins singulier et incompatible avec ce noble objectif que vous avez décidé de suivre à cette fin.
Pendant plus d’une décennie, j’ai été un témoin privilégié à vos côtés des performances et contre-performances de la gestion publique de notre pays. Je ne peux pas souscrire à l’idée reprise dans votre message susmentionné, que la dramatique régression actuelle de la République Démocratique du Congo serait le fait exclusif de votre successeur Félix-Antoine Tshisekedi. Une pareille assertion suggérant qu’il suffirait que le président Tshisekedi quittât le pouvoir pour que ce pays renoue avec la prospérité, la croissance et le développement ne tient pas la route. Pareille allégation reviendrait à faire l’impasse sur un faisceau substantiel des causes de l’arriération tragique de la RDC. Il s’agit notamment de celles, apodictiques et fondamentales du pillage systémique de nos ressources économiques sur fond d’une déstabilisation forcenée par le Rwanda qui a traversé les régimes successifs des présidents Mobutu, Laurent-Désiré Kabila et le vôtre avant de subjuguer celui de Félix Tshisekedi qui s’efforce tant bien que mal à démystifier ses légendes infâmantes et inhibitrices.
Monsieur le Président,
La non-concordance entre certains passages de votre propos du 23 mai et la voie que vous empruntez me donne la chair de poule. Elle contraste avec un des axiomes de prédilection de votre père et prédécesseur au pouvoir, Mzee Laurent-Désiré Kabila d’heureuse mémoire, qui aimait bien répéter que «ce qui est dit doit être fait».
Dans mon subconscient, la réminiscence de vos incessantes mises en garde contre les manœuvres de flibustiers internationaux et africains, déterminés à maintenir ad vitam aeternam notre Congo en état d’être exploité sans contrepartie, a percuté votre silence sur le président Paul Kagame qui incarne depuis près de trois décennies ces pirates des temps modernes.
Votre communication qui met sous le boisseau le principal acteur de la dévastation de notre pays depuis 1996 m’a plongé dans une sorte de nausée métaphysique. J’ai la pénible impression d’avoir été littéralement « entubé » pendant des années.
Sans m’arroger le droit de porter un jugement sur votre décision de regagner le pays par Goma, je m’estime, ayant été pendant plusieurs années une des victimes expiatoires de sanctions ‘’ciblées’’ européennes pour avoir défendu passionnément sous votre leadership nos Intérêts Nationaux, en droit d’exprimer le malaise qui m’étreint face à la symbolique anxiogène charriée par votre silence au sujet de l’indéniable responsabilité des dirigeants rwandais et de leurs mentors hors d’Afrique. Mon inquiétude est d’autant plus fondée que vous mettez de l’eau au moulin de l’agresseur dont les phalanges impliquées dans l’odieux assassinat de Mzee L-D. Kabila en 2001 écument toujours des pans entiers du territoire national où elles sèment la mort et la désolation.
Monsieur le Président,
Ayant visualisé et soutenu aux premières loges votre action pour résister à l’agression rwandaise, je suis, comme nombre de Congolais, traumatisé par certains propos, et les non-dits, de votre message du 23 mai qui banalisent les saillies prédatrices humainement inacceptables des forces gouvernementales du Rwanda à l’Est de la RDC. Il n’est pas tolérable que nos 15.000 compatriotes inoffensifs massacrés par la coalition RDF/M23-AFC à Goma et Bukavu passent ainsi à la trappe d’un révisionnisme auquel vous donnez de la redondance.
Certes, la République Démocratique du Congo fait encore face à des problèmes protéiformes de gouvernance. Mais cela ne peut en aucune manière avoir pour conséquence d’absoudre les autorités rwandaises de la responsabilité qu’elles encourent du fait de leur agression militaire contre notre pays.
Le mixage-brassage de nos forces de défense, décidé sous votre leadership à Sun City en avril 2002 et l’infiltration massive subséquente d’agents étrangers à tous les niveaux de la hiérarchie militaire n’expliqueraient-ils pas à suffisance les faiblesses rédhibitoires que vous reprochez à votre successeur de constater dans le chef de nos FARDC ? Que gagneraient le Congo et les Congolais si les dirigeants au plus haut sommet de l’État se laissaient aller à dissimuler ce type de dysfonctionnement ?
Monsieur le Président,
Je salue votre dénonciation du tribalisme qui constitue à ce jour, une des antivaleurs les plus néfastes qui menace la cohésion nationale. Toutefois, on peut se demander en quoi l’onction que vous semblez accorder à ceux des Congolais qui se complaisent dans le rôle de supplétifs du corps expéditionnaire rwandais, coupable avéré d’offensives sanglantes de nettoyage ethnique ciblant certaines communautés du Kivu, serait susceptible d’éradiquer cet abominable fléau.
A mon avis, la République Démocratique du Congo a plus besoin d’un dialogue inclusif et bien structuré sur les voies et moyens d’endiguer l’extrémisme ethnique dans tous les pays de la région des Grands Lacs (RDC, Rwanda, Burundi et Ouganda). Rien en l’état actuel de la situation ne peut justifier ou excuser la complaisance d’un président de la République honoraire à l’égard de l’agresseur rwandais et de ses supplétifs du M23 qui n’ont changé ni de leitmotiv, ni d’allégeance depuis que nous les avions combattu ensemble à partir de 2012.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes sentiments patriotiques.
Honorable Lambert Mende Omalanga Député national et membre de l’Union Sacrée de la Nation.
Venance MANZANZA Journaliste Reporter