RDC : Kinshasa envisage un boycott de la Conférence de la Francophonie à Kigali pour faire pression sur le Rwanda

Le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) menace de boycotter la 46e Conférence Ministérielle de la Francophonie (CMF), prévue à Kigali au Rwanda, en réponse au soutien continu de Kigali au groupe rebelle M23. Cette annonce, formulée lors du Conseil des ministres du 31 mars, s’inscrit dans une stratégie diplomatique offensive visant à isoler le Rwanda sur la scène internationale et à exiger des actions concrètes contre son implication dans l’instabilité de l’Est congolais.

La RDC accuse depuis des mois le Rwanda de soutenir le M23, groupe qualifié de « terroriste » par Kinshasa, responsable de l’occupation partielle de Goma et Bukavu, ainsi que de violences massives contre les civils. « La situation à l’Est est intenable : viols utilisés comme armes de guerre, pillage des ressources naturelles et déplacements forcés de millions de personnes », a rappelé la ministre déléguée auprès du Ministère des Affaires Étrangères, en charge de la Coopération Internationale et Francophonie, lors de son compte rendu au gouvernement.

Cette crise a poussé la RDC à mobiliser la communauté francophone. Lors du XIXe Sommet de la Francophonie à Erevan en octobre 2024, Kinshasa a remporté une victoire diplomatique majeure : une résolution exigeant le retrait des forces rwandaises du territoire congolais a été adoptée à l’unanimité par les 88 États membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), à l’exception notable du Rwanda. Le texte condamne également les violations des droits humains et l’exploitation illicite des ressources congolaises.

Pour capitaliser sur ce succès, la ministre déléguée a proposé trois actions fortes au Conseil des ministres : Le boycott de la Conférence Ministérielle de la Francophonie à Kigali : Un geste symbolique puissant pour dénoncer l’« hypocrisie » d’un pays hôte accusé de déstabiliser un État membre ; Le report à avril 2025 de la mission d’information de l’OIF en RDC : Une manière de recentrer l’attention sur l’urgence humanitaire et sécuritaire dans l’Est et La création d’un Comité ad hoc au sein de l’OIF : Chargé d’examiner en détail la crise humanitaire et de proposer des mécanismes de sanctions contre le Rwanda.

La tenue de la CMF au Rwanda, pays mis en cause par la quasi-totalité des membres de l’OIF, représente un paradoxe explosif. Pour Kinshasa, boycotter l’événement est un moyen de dénoncer le « double jeu » de Kigali, qui participe aux instances francophones tout en soutenant une rébellion meurtrière. Cette décision pourrait aussi fragiliser la légitimité du Rwanda comme hôte, en rappelant son isolement lors du vote d’Erevan.

Si cette stratégie renforce la position de la RDC comme victime d’une agression externalisée, elle comporte des risques. Un boycott pourrait diviser les membres de l’OIF, certains États préférant éviter une confrontation directe. Toutefois, Kinshasa mise sur l’élan acquis en 2024 et sur le soutien croissant de partenaires francophones, comme la France et le Canada, déjà engagés dans des médiations régionales.

L’organisation peut-elle incarner une communauté de valeurs tout en tolérant un État accusé de compromettre la paix régionale ? La réponse dépendra de la capacité de l’OIF à transformer ses résolutions en actions.

par Djorres Tshivuadi

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