RDC| Cas Kazadi : procès d’opinion à l’Assemblée Nationale, la liberté critique et le rôle du Député en question

L’affaire Nicolas Kazadi, ancien ministre des Finances et actuel député national, prend une tournure politique et juridique inédite. Le Procureur général près la Cour de Cassation, Firmin Mvonde, a officiellement demandé à l’Assemblée nationale l’autorisation d’ouvrir une instruction judiciaire contre l’élu, accusé de « propagation de faux bruits » et de « divulgation de secrets d’État » . Le réquisitoire, lu en plénière jeudi 29 mai par Jacques Djoli, rapporteur de l’Assemblée, relance le débat sur les limites de la liberté d’expression des élus et leur rôle dans le contrôle de l’action gouvernementale.

Les faits incriminés : des déclarations sur la gestion financière de l’État

Les accusations contre Nicolas Kazadi découlent de propos tenus lors d’une interview diffusée sur YouTube, dans laquelle il a dénoncé des dysfonctionnements budgétaires. Il a notamment affirmé que 53 établissements publics ont été créés sans prévision budgétaire sous le premier mandat du président Félix Tshisekedi, et critiqué la hausse exponentielle des dépenses du Parlement, passées « de 5 à 45 milliards de francs congolais mensuels entre 2017 et 2023 » . Des déclarations perçues comme une remise en cause de la transparence des institutions, mais que ses soutiens jugent relever du devoir de vigilance d’un parlementaire.

Un procès d’opinion ?

L’absence d’accusations pour détournement de fonds contrairement à d’autres affaires comme celle du ministre Constant Mutamba, visé pour un présumé détournement de 19 millions de dollars alimente les critiques. Pour certains observateurs, cette procédure s’apparente à une tentative de museler la critique.

Réactions et suites politiques

L’Assemblée nationale a mis en place une commission spéciale pour examiner la demande du Procureur, tandis que Nicolas Kazadi dénonce une « machination politique » . Le député conserve pour l’instant son immunité, mais l’autorisation d’enquêter ouvre une phase juridique sensible. Cette affaire intervient dans un contexte où plusieurs figures politiques, comme Jean-Marie Kassamba (suspendu de l’UNPC en 2021 pour des irrégularités disciplinaires ), ont été récemment visées par des procédures judiciaires.

Enjeux et perspectives

Au-delà du cas Kazadi, ce dossier pose des questions fondamentales : jusqu’où un élu peut-il aller dans sa critique de l’exécutif sans enfreindre la loi ? La justice est-elle instrumentalisée pour réduire au silence les voix dissidentes ? Les prochaines étapes – notamment le vote des députés sur la levée d’immunité – seront déterminantes pour l’équilibre des pouvoirs en RDC.

Par Dieumerci Anawezi

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