Xavier Bettel, ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, devra s’expliquer devant la Chambre des députés dans les prochains jours. Une convocation exceptionnelle, initiée par le parti déi Lénk (La Gauche), fait suite à sa décision controversée de bloquer des sanctions européennes contre le Rwanda, accusé de soutenir l’offensive armée du groupe M23 en République démocratique du Congo (RDC). Cette audition publique, réclamée via une « question élargie » déposée au Parlement, vise à clarifier une position jugée « incohérente » avec les valeurs affichées par le Luxembourg.

« Au nom du business, notre gouvernement tolère le mépris du droit international par son pays partenaire, le Rwanda », a dénoncé David Wagner, député de déi Lénk, à l’origine de la demande.
La colère des opposants politiques et de la société civile porte sur deux fronts :
Le blocage des sanctions : En s’opposant à des mesures ciblées contre Kigali, Xavier Bettel a rompu avec le consensus majoritaire au sein du Conseil des Affaires étrangères de l’UE. Une décision d’autant plus surprenante que le Luxembourg a historiquement refusé le recours au droit de veto, privilégiant les votes à la majorité qualifiée pour préserver l’unité européenne.
Les intérêts économiques en jeu : Le Rwanda, partenaire commercial du Luxembourg dans les secteurs financier et logistique, est suspecté d’avoir influencé cette position. « Prioriser les profits au détriment des principes, c’est saper la crédibilité de l’UE dans la résolution des conflits africains », a insisté David Wagner.
Le parti déi Lénk réitère par ailleurs sa demande de suspension immédiate de la coopération avec le Rwanda, formulée dans une motion adoptée par le Parlement luxembourgeois le 12 février 2025. Ce texte exigeait un gel des partenariats tant que Kigali « poursuit son agression illégale contre la RDC ».
« Notre gouvernement ignore sa propre motion. Comment justifier ce double discours ? », interroge David Wagner, soulignant que le Luxembourg finance des projets de développement au Rwanda malgré les accusations de violations des droits humains.
Cette convocation inédite de Xavier Bettel dépasse le cadre national. Elle interroge la capacité de l’UE à parler d’une seule voix sur les dossiers sensibles, et rappelle que les petits États, malgré leur taille, ont un rôle pivot dans les équilibres diplomatiques. Dans un contexte où la RDC menace de saisir la Cour internationale de Justice (CIJ) pour « complicité d’agression », le Luxembourg devra choisir entre realpolitik économique et éthique internationale.
Rédaction : Horus-Gabriel Buzitu