La Commission européenne est sommée de revoir sa position sur l’accord d’accès aux minerais conclus avec le Rwanda, après qu’une enquête de Global Witness a révélé l’implication d’une entreprise luxembourgeoise dans la contrebande de coltan congolais via Kigali. Ces révélations jettent une lumière crue sur les failles du dispositif européen censé garantir des chaînes d’approvisionnement « éthiques », et relancent le débat sur l’exploitation des « minerais de conflit » en République démocratique du Congo (RDC).
Signé en 2023, l’accord entre l’Union européenne (UE) et le Rwanda permet à Kigali d’exporter vers le marché européen des minerais critiques (coltan, étain, tungstène) en échange d’engagements sur la traçabilité et le respect des droits humains. Pourtant, selon le rapport de Global Witness, le négociant luxembourgeois Traxys aurait acheté, entre 2022 et 2024, des minerais en provenance de la RDC, introduits illégalement au Rwanda pour être « blanchis » et exportés vers l’Europe. Ces minerais, extraits dans des zones contrôlées par des groupes armés en RDC, alimenteraient ainsi des chaînes d’approvisionnement européennes, en violation flagrante des règles de diligence raisonnable de l’UE.
Traxys au cœur du scandale
L’enquête accuse Traxys, l’un des plus grands négociants mondiaux en matières premières, d’avoir acheté du coltan à des fournisseurs rwandais sans vérifier l’origine réelle des minerais. Selon des documents internes et des témoignages recueillis par Global Witness, ces minerais proviendraient en réalité de mines artisanales de l’est de la RDC, où travaillent des creuseurs dans des conditions extrêmes, sous la coupe de milices locales. Une pratique qui contredit directement les principes de l’Initiative pour des Minerais Responsables portée par l’UE.
Le député européen belge Marc Botenga (groupe de la Gauche unitaire) a fustigé l’attitude de la Commission sur son compte X : « L’entreprise luxembourgeoise Traxys accusée d’avoir acheté des minerais congolais volés en contrebande via le Rwanda. Cette enquête Global Witness est très embarrassante pour la Commission européenne et sa défense de l’accord UE-Rwanda sur les minerais. ».
Des ONG, dont Global Witness et Resource Matters, appellent à une suspension immédiate de l’accord et à des sanctions contre Traxys, accusé de « profiter du chaos » en RDC.
Derrière ce scandale se cachent des intérêts colossaux. Le coltan, essentiel pour l’électronique et la transition énergétique, est un minerai stratégique. La RDC, qui détient 60 % des réserves mondiales, reste pourtant marginalisée dans les chaînes de valeur, au profit de pays comme le Rwanda, accusé depuis des décennies de servir de plaque tournante à la contrebande.
Pour les ONG, il est urgent que l’UE assume ses responsabilités : « Sans transparence et sanctions, l’Europe reste complice d’un pillage qui alimente les conflits en RDC », conclut un rapporteur de Resource Matters.
Rédaction : Horus-Gabriel Buzitu