Le gouvernement sud-africain a annoncé, ce jeudi, la création d’une commission spéciale chargée d’enquêter sur les crimes non résolus de l’apartheid. Cette initiative, saluée par les familles des victimes et des organisations de défense des droits humains, vise à apporter enfin des réponses à des décennies d’impunité et de souffrances enfouies.
Près de trente ans après la fin du régime ségrégationniste (1948-1994), des milliers de dossiers restent dans l’ombre, laissant des familles entières sans justice ni réparation. La nouvelle commission, composée de juristes, d’historiens et de représentants de la société civile, aura pour mission de rouvrir ces dossiers classés, d’identifier les responsables et de proposer des mesures de réparation concrètes. « C’est un pas important vers la vérité et la dignité », a déclaré Nomsa Dlamini, dont le père a disparu en 1987 après avoir été arrêté par la police de l’apartheid. Comme elle, des centaines de proches de victimes espèrent que cette démarche brisera le silence entourant le sort de leurs disparus.
Si la Commission vérité et réconciliation (TRC), active entre 1996 et 1998, avait permis de documenter une partie des exactions, ses limites – notamment l’amnistie accordée à certains bourreaux en échange de révélations – avaient laissé un goût d’inachevé. « Beaucoup de cas n’ont jamais été approfondis, et les promesses de réparations matérielles ou symboliques sont restées lettre morte », rappelle Thando Mbeki, historien spécialiste de la période.
Plusieurs ONG, comme Human Rights Watch ou la Fondation pour les droits humains en Afrique du Sud, ont salué l’initiative, tout en appelant à une mise en œuvre rapide et transparente. « Cette commission doit être dotée de moyens juridiques et financiers suffisants pour accéder aux archives, y compris militaires, et retrouver les preuves enfouies », souligne Zanele Mthembu, porte-parole d’un collectif de familles. Certains espèrent également que des poursuites judiciaires pourront être engagées, malgré les difficultés liées au temps écoulé et à la disparition potentielle de témoins.
Pour le président Cyril Ramaphosa, cette commission incarne « un devoir moral envers les générations passées et futures ». Reste à savoir si elle parviendra à apaiser les blessures d’un pays encore marqué par les fractures raciales et économiques. En attendant, pour Nomsa Dlamini et bien d’autres, c’est une lueur d’espoir : « Enfin, on parle de nos parents comme de victimes, et non plus de statistiques oubliées. »
Alors que les travaux débuteront début 2024, l’Afrique du Sud réaffirme ainsi sa quête obstinée de justice un chemin long, mais nécessaire pour construire une paix durable.
Rédaction Horus-Gabriel Buzitu